Hommage à un professeur chevronné
« Les expressions du moi en Afrique et dans la diaspora afrodescendante : entre hybridation et transformations. Mélanges offerts au Professeur Émérite Rémy Sylvestre Bouelet Ivaha Mbembe ». C’est à travers ces mots que le professeur Émérite Rémy Sylvestre Bouelet a été célébré pour sa riche carrière jeudi dernier à la salle des conférences du complexe de la professionnalisation du campus 2 de l’université de Douala en présence d’une pléthore d’invités.
Le vieil adage qui renseigne que « nul n’est prophète chez soi », ne s’applique visiblement pas au Pr Professeur Émérite Rémy Sylvestre Bouelet. Le professeur au parcours exceptionnel a été au centre d’un hommage à l’occasion de la cérémonie de dédicace de son livre à l’université de Douala. C’était en présence du gouverneur de la région du littoral, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua et un parterre d’invités parmi lesquels, des enseignants venus de plusieurs universités du Cameroun. L’honneur a été donné au fils de cet enseignant exceptionnel de prendre la parole à cette occasion pour parler de l’immense carrière de son père « Je suis obligé de répondre en convoquant mes deux filiations : d’abord la filiation scientifique parce que je suis enseignant de langue tout comme lui, la filiation congénitale, par ce que c’est l’homme qui m’a donné la vie, je n’ai pas voulu être le fils ingrat. Alors je me suis dit, j’ai la légitimité, la possibilité de pouvoir rendre témoignage à un maître, qui a été le mien, aussi de par ses enseignements. » affirme Dr Gérard Bouelet. Au sujet de savoir la contribution du fils du professeur Émérite Rémy Sylvestre Bouelet dans son ouvrage, sa réponse est satisfaisante : « Je peux dire que ce besoin est atteint, maintenant en tant que scientifique, c’est de recevoir toutes les critiques, toutes les observations et pouvoir dans cette recherche qui se veut utile, entamer des travaux ou des projets d’avenir. J’ai parlé de pragmatique et de la production discursive essentiellement l’image de soi, j’ai voulu démontrer que même en politique quand on parle de « moi » on parle de l’autre. La légitimité c’est quelque chose que l’on retient à partir d’une argumentation attentive. Que je sois légitime de quelque manière que ce soit, même si j’ai un bagage intellectuel, c’est l’autre qui, c’est nous qui donnons de la légitimité. C’est le sentiment d’un devoir de disciple accompli. C’est la fierté d’avoir pu réunir en un lieu une constellation de scientifiques venue honorer un pair. Enfin c’est la fierté d’avoir contribué à repousser un tout petit peu les limites de l’ignorance dans ce champ immense qu’est la science. » poursuit le Dr Gérard Bouelet.
Une carrière exceptionnelle célébrée
Selon Pr Flora Amabiamina, le présent projet est une tradition à l’université. Il est question de rendre hommage à un collègue, un père, un ami qui est méritant. Il s’agit d’un devoir de reconnaissance, donc c’est parti de là, c’est Gérard qui en a eu l’idée, il a travaillé sur un argumentaire qui a été enrichi, aménagé et restructuré. Nous avons reçu plusieurs appels, comme de tradition à l’université, des articles ont été évalués, certains ont été rejetés, d’autres ont été arrêtés, tous étaient autour de la thématique « moi ». Voilà, au sortir de cette dédicace bien évidemment, nous attendons des retours pour ceux qui vont aller lire, tout en espérant qu’ils découvrent une autre personnalité de leur « moi » » atteste Pr Flora Amabiamina, chef de département de français et d’études francophones.
Pr Professeur Émérite Rémy Sylvestre Bouelet

« Cher collègue votre soutien me touche profondément, votre travail, vos dénouements sont et resteront essentiels au développement et à la formation des générations futures. Je vous en remercie pleinement. Je vous remercie chers collègues, chers contributeurs, d’avoir su ressortir avec dextérité la moelle de mon œuvre en tenant compte du texte et du contexte de mes cours, de mes livres et conférences en salles, en amphis, devant de multiples paysages et même face à la mer »
« Heureux de partager ces instances de la fête de l’esprit avec vous je tiens d’abord à remercier de manière solennelle et tendre le recteur de l’université de Douala pour son appui financier à l’organisation de cette dédicace, sans oublier les apports financiers et respectifs de M. Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, gouverneur de la région du littoral, monsieur le doyen de la faculté des lettres et sciences humaines le professeur Pwang Pwang robert, de monsieur le directeur de l’école national supérieure polytechnique de Douala, monsieur le directeur général du port autonome de Kribi, du maire de la ville de Kribi et du professeur jules Assoumou arrivé ce matin de Garoua, pour la mise à disposition des fonds pour l’Édition et l’écriture de ce bel ouvrage , madame le professeur Amabiamina, monsieur le professeur joseph Tonie, monsieur le docteur Gérard, chers collègues, je tiens à exprimer ma profonde gratitude à l’ensemble d’entre vous pour ces louanges de fer à votre humble serviteur que je suis c’est un ouvrage de près de 400 pages , un bel ouvrage qui est une véritable marque de votre estime et de votre appréciation à mon égard, votre générosité et votre soutien en or. Oui je dis bien oui, ceux qui vous auront lu nous auront compris, m’auront lu et compris par ce que le travail est très bien fait. Merci mes chers collègues d’avoir fermé ce globe permanent, toi, dont Victor Hugo chantait sans cesse « Ah insensé qui croit que je ne suis pas toi … quand je parle de moi, je parle de toi, je parle de vous ». Le moi est dans le « vous ». Ce toi et moi me rappelle toujours la quête permanente de l’effort humain afin d’améliorer notre existence terrestre. Nous participons tous nantis d’un témoin à une véritable course de relais. Et malheur à celui qui laisse tomber ce témoin, c’est qu’il le paiera. Je voudrais maintenant à mon âme sœur, mon épouse bien aimée Esther Félicité. Au sortir de l’amphi terrestre, ce jour-là, n’oublie surtout pas d’adjoindre à ma bière ce bel ouvrage qui constitue l’ensemble de mon œuvre sur terre et constitue le résumé de tous mes mots et comme on a l’habitude de le dire, qui constitue mon bord. L’homme n’est rien sans son bord. Ce bord me permettra d’entrer dans l’amphi céleste car sortir de l’amphi terrestre, j’irai tout droit vers l’amphi céleste ou je retournerai heureux. Tous les maîtres qui l’ont précédé, tous les collègues qui m’ont précédé et qui m’attendent et qui dès les premiers mots sortir de ma bouche riront en éclat et me diront cher collègue notre tour est dépassé. Ainsi la science n’a pas de limite. La science n’a pas de borne, elle est infinie.
Pr Flora Amabiamina, chef de département de français et d’études francophones

« J’ai le sentiment du devoir accompli, ce d’autant plus que la cérémonie a été une belle réussite »
Au sortir de la cérémonie de dédicace des Mélanges offerts au Professeur Émérite Rémy Sylvestre Bouelet, j’ai le sentiment du devoir accompli, ce d’autant plus que la cérémonie a été une belle réussite. De voir des anciens étudiants venir de loin pour lui rendre hommage in vivo a été, pour moi, un instant d’émotion intense et vive. Cette cérémonie a été un moment de communion de personnes de divers horizons qui ont cru devoir témoigner à l’endroit du Professeur Émérite Rémy Sylvestre Bouelet un hommage filial. Un cas emblématique est celui du talentueux journaliste Blaise Testelin Nana venu exprimer sa reconnaissance, en tant que Maître de cérémonie, à son Maître. Dans notre espace où l’anomie, l’hubris et la violence tendent à s’ériger en vertus, nous devons apprendre à honorer nos figures tutélaires de leur vivant, en mettant en surplomb le meilleur d’elles, pour que notre reconnaissance soit vraie et sincère. Et dans cette perspective, le Professeur Émérite Bouelet a eu droit à un billet de satisfaction relatif à son action prométhéenne dans l’amphithéâtre terrestre.
Dr Nomo Fouda Floribert, chercheur.

« Le collectif célèbre la riche carrière du Professeur Rémy Sylvestre Bouelet Ivaha Mbembe, éminent chercheur, enseignant distingué, pédagogue chevronné et administrateur aux qualités unanimement appréciées »
Le lecteur y découvre une compilation de 15 articles de fond dont la diversité des angles d’approche traduit la multiplicité des chapelles disciplinaires des contributeurs. Ces articles sont précédés d’un propos liminaire, celui d’Alphonse Joseph Tonye, et de l’introduction de Flora Amabiamina, laquelle tient aussi lieu de présentation des raisons personnelles, académiques et scientifiques ayant justifié la réalisation du projet. Une série de huit témoignages et un entretien exclusif avec le poète Rémy Sylvestre Bouelet ferment le volume. Ces deux dernières articulations – à savoir les témoignages et l’entretien – ont comme fil conducteur la mise en relief de la personnalité de Bouelet, décrite comme unique, aimante, sympathique, sûre d’elle-même, méthodique, rigoureuse et épanouie. À la vérité, le moi est l’élément central de cet ouvrage, son mot-clé. Il est d’autant plus central que les contributeurs, en fonction de leurs spécialités, en explorent les significations, les formes d’expressions aussi. Entre les lignes, émerge un moi complexe, du fait d’un passé difficile pour l’Afrique et la diaspora afrodescendante, l’échantillon expérimental de l’ouvrage.
Si le moi s’érige en mot-clé de ces Mélanges, c’est surtout parce qu’il constitue une problématique majeure dans les travaux scientifiques et les productions artistiques du Pr Bouelet, l’auteur de l’essai intitulé Autobiographie et narcissisme dans le roman de Bernard Nanga, publié en 2000 et devenu une référence incontournable en matière d’appréhension de l’ego en terres africaines. Construites autour de ce mot-clé, six parties forment l’architecture du livre : le moi interdisciplinaire de Rémy Sylvestre Bouelet ; le moi dans la fiction testimoniale et la communication numérique ; le moi entre déconstruction, reconstruction et discours ; le moi entre stratégies narratives inédites et diction singulière ; Ecce Homo (la partie consacrée aux témoignages) ; et Autoreprésentation ou Rémy Sylvestre Bouelet vu par lui-même.
Le moi interdisciplinaire de Rémy Sylvestre Bouelet
Deux contributions meublent la première partie. Elles mettent en relief la particularité méthodologique du Pr Bouelet. On peut en retenir que sa méthode, aussi bien dans ses recherches scientifiques que dans sa production artistique, se situe au carrefour de plusieurs disciplines : la philosophie et la géographie en sont des illustrations.
v L’article de Emboussi Nyano montre comment l’enseignement du Pr Bouelet au département de philosophie a déconstruit une théorie majeure véhiculée par cette discipline. Avant, les étudiants de philosophie savaient que la poésie est en dehors de toute réalité. Il a fallu que l’éminent homme de lettres passe par là pour les aider à reconstruire le lien entre poésie et réalité. C’est à partir de cet instant que l’étudiant d’alors a pu établir
que le génie poétique, tout en étant le fruit de l’imagination créatrice, se nourrit de la science et de la politique, c’est-à-dire de la réalité. Le moi interdisciplinaire du Pr Bouelet y a contribué. Martin Fouda inscrit son étude, la seconde de cette partie, dans le cadre de la géographie littéraire. La raison de son approche a partie liée avec les choix personnels de Rémy Sylvestre Bouelet. Géographe de son état, Fouda part d’une étude de l’eau dans la ville de Douala où Bouelet a vécu une bonne partie de sa vie et où il réside toujours. Il met en évidence la relation fusionnelle que le poète et enseignant entretient avec l’eau et de laquelle émerge un
moi singulier, qu’il qualifie d’égogéographique. Bouelet, homme de l’eau, manifeste donc une identité géographique, disons égogéographique, perceptible dans ses textes poétiques où il affiche son amour de la mer. Cette identité est aussi visible dans son choix de faire du bleu, symbole de l’eau, la couleur de l’Université de Douala. Il était alors Doyen de la facultédes lettres et sciences humaines.
Le moi dans la fiction testimoniale et la communication numérique
La deuxième partie, titrée « Le moi dans la fiction testimoniale et la communication numérique », réunit des travaux sur le moi tel qu’il se révèle dans le témoignage-confession et à travers les messages instantanés, deux catégories qui mettent en évidence un moi exposant ses blessures, ses fragilités ; mais aussi ses forces et ses aspirations. Consacrée à l’écriture de soi dans le dernier roman de Léonora Miano, Stardust, la contribution de Flora Amabiamina interroge les traumatismes d’un sujet-narrateur prénommé Louise. Ces traumatismes sont révélés par des métaphores obsédantes et vives, ainsi que par des souvenirs douloureux. Son analyse met l’accent sur les voies de guérison des blessures conduisant à la reconstruction du sujet. Il en ressort que ladite reconstruction passe par l’écriture dont l’auteure-narratrice fait un refuge.
Les réseaux sociaux assurent les mêmes rôles de guérison et de reconstruction identitaire pour les jeunes Camerounais, étudiants de l’université de Douala. C’est du moins ce qui ressort de l’article de Georges Madiba Oloko, lequel scrute les représentations et les identités narratives desdits étudiants dans les RSN, en particulier par le biais des communautés virtuelles auxquelles ils adhèrent massivement aujourd’hui. Dans cette logique, Madiba Oloko évalue l’identité propre du jeune en proie à des interrogations plurielles sur sa personne, sa place et sa valeur dans son groupe d’appartenance. Il s’appesantit davantage sur les représentations et les formes de narration que les jeunes déploient dans le monde virtuel pour « écrire » et afficher leurs identités à leur intention propre ou à celle d’autrui. Selon la conclusion de son étude, le « soi » est le produit des interactions virtuelles qui ne détruisent pour autant pas l’identité du groupe.
Pour sa part, Simplice Demefa Tido s’intéresse au moi de l’auteur dans Les enfants du vent, un roman de Serge Amani. Il sonde les ancrages narratifs et affectifs de ce moi et découvre qu’ils sont révélateurs de l’autofiction, forme contemporaine de l’expression du moi. Après avoir établi la similitude entre le nom de l’auteur et celui du personnage-narrateur, il examine la prépondérance d’un « Je » auctorial, indissociable de la trajectoire du héros, un enfant naturel victime d’abandon paternel. Il décrit alors les modalités de ce type d’écriture et en révèle les implications idéologiques. L’ambition n’est pas contraire dans l’examen consacré par Flora Amabiamina, Floribert Nomo Fouda et Georges Albin Nelson Houack au récit autobiographique de René Joly Assako, Maman, qui allume le soleil ? Leur propos passe à l’épreuve les significations narratologiques et psychologiques et axiologiques de la chronique autobiographique du romancier, motivée par sa quête de visibilité et de représentativité. D’où la dérivation du récit en un auto-portrait valorisant, lequel connote la tension de l’auteur vers un destin social plus reluisant dans son pays, le Cameroun, voire au-delà.
Éléments rassemblés par Glob’Media
Très bel hommage.