Inéligible en 2025
Alors que les débats en cours sur la candidature ou non de Paul Biya à l’élection présidentielle de 2025 sont orientés vers son âge avancé et le non-respect des textes internes au RDPC, l’article 118, alinéa 1 du code électoral offre pourtant une cause d’inéligibilité qui l’exclut définitivement de la course cette année.
L’élection présidentielle de cette année 2025 va certainement être la plus palpitante de l’histoire du Cameroun, puisqu’elle suscite déjà, contrairement aux éditions précédentes, une vive polémique sur la participation de Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, âgé de 93 ans et manifestant toujours une volonté de poursuivre son bail à la tête du Cameroun. Interrogé sur la posture qu’il prendra lors de l’élection de cette année, Paul Biya avait choisi de garder le suspens, promettant de se prononcer le moment venu, s’il optera d’aller au village ou s’il décidera de candidater une nouvelle fois. En attendant qu’il s’exprime, des voix s’élèvent, chez les hommes d’église et certains analystes politiques, pour soutenir qu’il devrait désormais prendre sa retraite, d’abord pour son âge, mais surtout pour le fait que le RDPC ne peut plus légalement présenter de candidat.
Jusqu’ici, les arguments avancés pour la non-participation de Paul Biya restent, de notre point de vue, assez relatifs, car dépendant tantôt de sa propre volonté, ou de la portée (incertaine) que le juge constitutionnel voudrait bien donner à la violation des textes internes du RDPC en cas de contestation du candidat dudit parti. Les thuriféraires du régime au pouvoir sont curieusement d’avis que la candidature de Paul Biya en 2025 reste opportune, indispensable, incontournable et même conforme tant au regard de la constitution que des textes internes du RDPC. Pourtant, à l’examen des dispositions du code électoral sur les conditions d’éligibilité, on découvre que l’article 118, alinéa 1 met désormais Paul Biya hors course en 2025, en considération des fait et propos tenus à répétition à l’étranger et qui le rendent désormais inéligible à l’élection présidentielle à venir. Cet article dispose ce qui suit : « (1) Sont inéligibles les personnes qui, de leur propre fait, se sont placées dans une situation de dépendance ou d’intelligence vis-à-vis d’une personne, d’une organisation ou d’une puissance étrangères ou d’un Etat étranger ».
En rapprochant cet énoncé de faits et propos de Paul Biya, il est évident qu’il s’est mis en position d’être exclu de la compétition. En effet, au cours des années 90, répondant à la question d’un journaliste, Paul BIYA s’était déjà autoproclamé « meilleur élève de François Mitterrand », alors président de la France. Par définition, un élève est une personne que l’on met sous l’autorité d’un maître pour recevoir des enseignements. Le maître a pleine autorité sur son élève à qui il peut faire des injonctions et infliger des corrections. En se déclarant élève d’un chef d’Etat étranger, Paul Biya mettait en péril la souveraineté du Cameroun, Etat indépendant, en violation de la Constitution. Il se rendait ainsi coupable de haute trahison, acte qui, selon la constitution pouvait lui valoir sa destitution immédiate et son jugement devant la Haute cour de justice. Cet épisode est passé sans que personne ne s’en émeuve véritablement.
Au cours de son mandat actuel, et plus précisément en 2020, Paul Biya s’était rendu en France dans la cadre d’une visite officielle. Au sortir de l’entretien qu’il venait d’avoir avec le président français, interrogé sur l’objet principal de sa visite, il a déclaré qu’il était venu « rendre compte du déroulement des travaux du grand dialogue national » à Emmanuel Macron, président de la France… Cette nouvelle déclaration établissait à suffisance que Paul Biya n’avait tiré aucune leçon de sa bourde des années 1990. Il venait de réitérer sa haute trahison du Cameroun, car on ne rend compte qu’à quelqu’un qui a autorité sur soi, quelqu’un qui nous oblige. Voilà autant de faits, sans d’ailleurs être exhaustifs, opposables à Paul Biya, qui le mettent en conflit avec l’article 118 du code électoral et le disqualifient à la compétition. Les faits ne révèlent aucune pression ni dol commis pendant ces déclarations. C’est spontanément, en toute lucidité que ces propos ont été tenus, en mondovision. Délibérément, Paul Biya s’est donc mis dans une situation de dépendance vis-à-vis des présidents français successifs et a, de ce fait, perdu toute possibilité de prendre part à toute future compétition pour l’élection du président de la république au Cameroun. Les faits dans cette analyse devraient s’agréger à ceux déjà mis en avant par d’autres personnalités pour déterminer Paul Biya à se mettre à lui-même à l’écart pour ne pas subir une humiliation politique ou judiciaire incompatible avec l’honorabilité de son âge de patriarche.
Il faut rappeler que certains évêques catholiques avaient déjà estimé que son âge avancé ne permettait plus de conduire le destin d’un pays complexe et dont la direction nécessite énergie et disponibilité. Cet argument a été repris par l’analyste Babissakana qui, dans une démonstration limpide et bien structurée, a montré que Paul Biya n’a pratiquement rien fait du septennat qui s’achève et, victime du poids de l’âge et des désagréments au plan sanitaire qui en découlent, ne parvient ni à faire tenir les instances statutaires de son parti, ni celles de l’Etat, à l’instar du conseil supérieur de la magistrature grippée depuis plus de quatre ans. Il relève surtout que malgré la médiocrité du gouvernement actuel constitué depuis janvier 2019 et jugé récemment comme le plus incompétent de la planète terre, Paul Biya n’a jamais pu tenir un seul conseil ministériel pour réorienter son action, ni procéder à un remaniement qui aurait permis d’y injecter de nouvelles énergies. De son côté, Maître Christian Timbane Mbomo avait fait valoir que, pour n’avoir pas pu tenir ses instances statutaires à échéance pour renouveler les mandants de ses organes, le RDPC s’est mis en position de ne pas pouvoir présenter de candidat à la prochaine présidentielle. Le code électoral offre finalement le meilleur fondement pour mettre définitivement Paul Biya hors course.
Moïse TIMTCHUENG
Agrégé de droit privé
Chevalier de l’ordre de la valeur
Enseignant à l’Université de Dschang