Comment un riz déclaré impropre à la consommation et interdit de vente en Europe, serait-il commercialisé au Cameroun ?
Depuis plusieurs jours, des camerounais s’alignent pour acheter le riz pakistanais dans le cadre de la vente promotionnelle. Une image qui scandalise et choque la société civile qui dénonce la mauvaise qualité de ce produit.
Moisi,100% bas de gamme, la qualité du riz « Big Joe », un riz d’origine pakistanaise, alimente la polémique depuis plusieurs jours.
En vente promotionnelle à 15.000FCFA le sac de 50 Kg, cette denrée alimentaire contiendrait un excès de pesticides, utilisés dans la fabrication de la peinture à huile, selon plusieurs alertes. Dans la même veine, journalistes et défenseurs des droits des consommateurs accusent toujours le gouvernement de vendre aux camerounais du riz destiné à la consommation animale. Un produit qui aurait peut-être pour objectif de décimer à petit feu le peuple camerounais déjà guillotiné par l’extrême précarité, qui ne demandent qu’à survivre.
Affolés après la sortie de la société civile, et d’une récente vidéo largement relayée sur les réseaux sociaux qui montre un riz, moisi, acheté par une famille à Bafoussam, dans l’Ouest du pays, les nombreux camerounais qui se sont procurés le riz « Big Joe » à 15.000FCFA le sac de 50kg maudissent les vendeurs : « Ils pensent nous faire du mal, mais ce sont leurs enfants qui vont partir avant nous. Maudit sois le ministre qui a cru nous tromper avec ce poison. Quelle était la nécessité de nous vendre ce riz ? Je crains maintenant pour moi et mes enfants qui avions consommé cette pourriture. Heureusement que j’ai jeté le reste », s’inquiète Anne-Sophie, ménagère dans la ville de Douala.
Les alertes sur la mauvaise qualité du riz pakistanais plongent de nombreux acheteurs dans la psychose.
« À cause des élections, ils sont revenus avec leur riz pourris. D’ailleurs tous les produits qu’on nous vend ici au Cameroun si on vérifie bien, sont impropres à la consommation. Mais comme ils n’ont rien à foudre de la santé des camerounais et veulent seulement se remplir les poches à tous les prix, ils sont prêts à tout » lance, courroucé Ahmadou, un habitant de Yaoundé que nous avons rencontré.
Alors que le taux de mortalité est en nette progression au pays, il y a lieu de s’interroger sur les motivations réelles du gouvernement camerounais d’importer, sous le prétexte fallacieux de la lutte contre la vie chère. Comment un produit jugé dangereux ailleurs a-t-il pu être commercialisé légalement sur le territoire national ?
Petit retour sur les origines d’un riz controversé interdit de vente en Europe
Les 17 et 21 janvier 2024, près de 50 tonnes de riz ont été saisies au port du Havre en France.
Des sacs de riz brun en provenance du Pakistan et « destinés à des professionnels du négoce de denrées alimentaires en région parisienne », indiquait un communiqué de la Douane française. Le riz remis en question, contenait deux puissants insecticides de la famille des néonicotinoïdes, de l’acétamipride et de l’imidaclopride, dans des concentrations plus de deux fois supérieures aux seuils autorisés par la règlementation et donc potentiellement toxiques et cancérogènes pour les consommateurs en cas d’exposition prolongée.
Soucieux de la santé de leurs citoyens, les douaniers du pôle « Havre Sécurité Alimentaire » de ce port, rompu à la tâche, vont intercepter ces lots lors d’un contrôle, conformément à la réglementation européenne, qui impose des taux de contrôle physique pour certaines combinaisons pays-produits – contaminants. À la suite de cette saisie, des prélèvements seront effectués et transmis aux laboratoires de Montpellier, qui va confirmer les doutes des agents de la douane. La même année, une autre cargaison en excès de pesticides sera refoulée au port d’Anvers en Belgique et aurait été redirigé au Cameroun et dans plusieurs autres pays africains. Selon des ONG locales, ce riz pakistanais initialement destiné à la destruction en Europe, en raison des niveaux élevés de pesticides, aurait atterri au Cameroun par le port autonome de Kribi, pour soit disant alléger les ménages.
Malgré l’alerte sur la toxicité du riz pakistanais, les autorités camerounaises insistent sur la conformité de cette denrée aux normes locales.
Le gouvernement camerounais, visiblement bon élève de la commercialisation des produits impropres à la consommation, n’est pas à son premier essai. En 2013, la vente légale d’une cargaison de riz avarié en provenance de la Birmanie, avait été autorisée par les autorités. Malgré les avertissements des associations de défense des droits des consommateurs sur les risques sanitaires que présentait ce riz moisi, le gouvernement dans sa boulimie va poursuivre sa vente, avant de se raviser après un contrôle de laboratoire le 19 février de la même année. Les autorités vont ordonner la destruction de ce riz périmé stocké au port, qui malheureusement ne le sera pas. Dix ans plus tard, le même riz impropre à la consommation, sera revendu sur le marché camerounais. Alors qu’on croyait cet effroyable épisode oublié, en 2025, le gouvernement revient avec cet acte, à quelques mois de la présidentielle de 2025.
Christine Babanda