Avocat

0
16

Un métier difficile pour des noirs en France

En mars 2011, commis d’office pour défendre un allemand vivant en France mis en cause pour des faits : incitation à la haine raciale, injures et violences sur des personnes d’origine africaine. A la permanence de mon Barreau, j’ai failli exercer ma clause de conscience pour ce dossier du fait des injures, des photos de femmes africaines violentées, et propos insupportables tenus par cet allemand vivant en France. Mais mon caractère fonceur acceptait de plaider ce dossier.

Je descends donc au sous-sol où se trouvent les cellules des personnes déférées des commissariats et extraites des maisons d’arrêt pour être entendues et jugées, je demande à m’entretenir avec monsieur X. 15 minutes après, les policiers me présentent un colosse blanc mesurant 1m98 au yeux. Bleus. A la vue de ma personne il fut stupéfait et frappé de stupeur. Je lisais en lui une contrariété éthique et philosophique. Je me présente à lui et tous les deux nous nous installâmes dans un box prévu à cet effet (entretiens des mis en cause et avocats). Nous parlâmes du dossier, lui avec moultes contrariétés du fait de ma mélanine pigmentaire très foncée ; moi, avec appréhension, autorité et professionnalisme. A la fin je lui ai dit monsieur « si vous suivez ma stratégie, je vais vous libérer » il me dit maître « la liberté n’a pas de prix et si je suis libre, je vous promets  j’irai demander pardon aux victimes car je ne croyais pas de toute ma vie discuter avec un noir et surtout être défendu par un noir dans les pires moments de ma vie…le problème dans ce dossier, c’est que mon client avait un casier judiciaire portant mentions de plusieurs condamnations pour racisme et il était en état de récidive légale ( excusez-moi d’être un peu technique: en matière délictuelle, la récidive légale c’est quand, après une première condamnation pour un délit, suit dans un délai de cinq ans une nouvelle condamnation pour le même délit, ou un délit assimilé par la loi.) Il risquait à 90% la prison ferme avec mandat de dépôt.

Dans la salle d’audience, le public et les magistrats étaient amusés de voir le caractère Benetton de cette audience haute en couleurs à l’énoncé des faits par le magistrat instructeur. Ce fut des moments intenses où je me voyais être insulté par mon client à la lecture des éléments à charge retenus contre lui…je me sentais concerné, consterné, choqué et très affaibli à l’idée de le défendre et soudain mon serment prit conscience sur moi et je plaidais ce dossier professionnellement sans passion, ni d’état d’âme. Mon client fut condamné à 4 mois de prison avec sursis, il m’embrassa avec fracas dans la salle d’audience en larmes. Toute la salle était pantoise. Il sorti libre avec moi du tribunal. Il me regardait profondément et intensément avec étonnement et me dit maître « le racisme c’est la méconnaissance de l’autre et j’ai honte de ce que j’ai fait en te regardant. Les blancs m’ont condamné mais toi, tu m’as libéré du racisme qui est une maladie culturelle de père en fils chez les blancs ».

Sylvain Sanda

LAISSER UNE RÉPONSE

Veuillez saisir votre commentaire !
Veuillez saisir votre nom ici