Les pétitions oubliées
En 1956 de nombreux camerounais ont envoyé 46 pétitions aux nations unies pour dénoncer la violente répression des colons français suite à la proclamation unanime de l’unification et l’indépendance immédiate du Cameroun le 22 avril 1955, par les upécistes. Près de 70 ans après, aucune réponse pour les dommages et intérêts revendiqués. Les familles des pétitionnaires se sont réunis à Mbouassoum, à Nkongsamba, pour entre autres interpeller le chef de l’État.
Ces pétitions, rédigées par des individus et des organisations camerounaises, décrivent les souffrances endurées par les camerounais sous la tutelle française et demandent l’indépendance et l’unification immédiates du Cameroun, ainsi que la protection de leurs droits et intérêts. Ils sont aujourd’hui âgés de la cinquantaine et plus. Ces enfants et familles de ces camerounais ayant lutté pour l’indépendance du Cameroun. Pour avoir proclamé unanimement l’unification et l’indépendance immédiate du Cameroun le 22 avril 1955, les leaders indépendantistes ont subi une répression farouche menée par l’administration coloniale. A travers un couvre-feu mis en place le 24 Mai de la même année, la force militaire de monsieur Roland Pré, gouverneur des colonies et représentant de la France au Cameroun se lancera à la traque des indépendantistes camerounais qui pour la plupart étaient réunis au sein de L’union des Populations du Cameroun (UPC). Durant cette répression, l’on dénombrera des assassinats, des disparitions systématiques, des pillages, des viols et bien d’autres dérives. C’est ainsi que le 10 septembre 1956, à l’initiative des leaders de la subdivision de Nkongsamba, région du Mungo, 46 pétitions vont parvenir à la table du conseil de tutelle des Nations Unies afin de dénoncer l’agressivité de la répression tout en revendiquant à cors et à cri l’indépendance et la souveraineté totale du Cameroun. Le 26 février 1957, la résolution 1067 XI de l’Assemblée Générale des Nations Unies reconnait ces pétitions et engage des auditions de pétitionnaires du territoire camerounais sous administration française. Sur l’ensemble des 46 pétitions envoyées aux Nations Unies, Mbouassoum, village au sein de la commune de Melong au Nord du département du Moungo, région du Littoral en comptait 15 pétitionnaires.
Réécriture de l’histoire du Cameroun Suite à la publication des travaux de Synthèse conclusive du rapport du volet « recherche » de la Commission mixte sur le rôle et l’engagement de la France dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition au Cameroun de 1945 à 1971, l’on a pu se rendre compte qu’une partie de l’histoire de la conquête de l’indépendance du pays était encore moins connue de tous. Il s’agit en définitive d’un travail de thérapie collective qui amène les peuples à mieux s’accepter et à s’assumer pleinement dans leurs relations comme l’affirmait le président de la République S.E PAUL BIYA lors de la cérémonie de remise de ces travaux de mémoire le 28 janvier 2025. 70 ans après avoir lancé des pétitions auprès des Nations Unies afin de porter plaintes contre les dérives de l’occupation française au Cameroun et exiger des dommages intérêts suite à la perte de biens résultant des incidents de Mai 1955 dans la subdivision de Nkongsamba, région du littoral (ancienne région Mungo), les familles des pétitionnaires ont décidé de se réunir pour mener une action collective et adresser cette fois leurs doléances au Président de la République du Cameroun. C’est dans cette perspective que se déroulera à Mbouassoum ce samedi 1er mars 2025, une cérémonie solennelle de présentation des pétitionnaires mbouassoumais, ainsi que du Mungo qui ont lutté pour l’indépendance et la souveraineté du Cameroun. Fait à Mbouassoum, le 27 février 2025
Des résolutions ont été prises le 26 février 1957 en procédant par l’audition des pétitionnaires. Près de 70 ans après aucune réponse pour les dommages et intérêts revendiqués. Alors en 2025, après la remise du rapport de la commission mémoire au président français et camerounais, les familles des pétitionnaires adressent leurs doléances à ces chefs de l’état pour obtenir des réparations.
Selon ces réclamations, ce sont les événements du 22 avril 1955 qui ont marqué un tournant dans la lutte pour l’indépendance du Cameroun. Ainsi donc, les camerounais ont subi des pertes importantes en raison de la répression des mouvements nationalistes par les autorités françaises « beaucoup de bons camarades partisans de la lutte pour l’indépendance immédiate du Cameroun ont été arrêtés et emprisonnés arbitrairement par le Gouvernement Français », indique une pétition signée le 25 octobre 1955 par M. Léon Amangou, trésorier de l’UPC. « Tout cela parce que nous avons unanimement proclamé en date du 22 Avril 1955 l’Unification et l’Indépendance immédiate du Cameroun » continue-t-il.
Ces plaintes dénoncent également les abus et les injustices commis par les autorités françaises au Cameroun, notamment en matière de droits de l’homme, de liberté d’expression et de propriété. « En date du 25 mai dernier, le Gouvernement Roland Pré, représentant de la France au Cameroun, a déclenché la guerre dans le territoire du Cameroun où nous avons perdu plusieurs des compatriotes camerounais », indique une pétition signée le 15 septembre 1955 par M. Thomas Ewané, planteur et membre de l’UPC. Les pétitionnaires réclamaient aussi la protection de leurs droits et intérêts, et demandaient que les autorités françaises respectent les principes de la charte des Nations Unies « je demande l’annulation des mandats d’arrêtés intentés illégalement contre les responsables des mouvements politiques et la délivrance de nos frères emprisonnés à des motifs qu’ils ont réclamés l’indépendance et l’unification immédiate de leur pays ; je demande l’adoption de notre gouvernement Souverain, protéger par le concours d’un Haut-Commissaire des Nations Unies au Cameroun ; je demande l’adoption du Drapeau camerounais Fond rouge Crabe au milieu couleur naturelle » mentionne M. Fobien Etieko, dans une pétition signée le 12 octobre 1955.
Comme eux, ils sont nombreux à avoir écrit des pétitions à l’exemple de Léon Amangou, Lucien Eboh, Marcus Ebob, Thomas Eloungo, Louis Emandion, Thomas Ewané…, dans l’unique but de l’indépendance et l’unification immédiate du Cameroun.
Un héritage de lutte pour la liberté
Ces combattants oubliés témoignent de la lutte des Camerounais pour leur indépendance et leurs droits fondamentaux dans les années 1950. Elles montrent à quel point les camerounais ont toujours été déterminés à défendre leurs droits et à lutter pour leur liberté. Au jour d’aujourd’hui, ces pétitions sont un rappel important de l’histoire du Cameroun et de la lutte pour l’indépendance. Elles doivent être étudiées et commémorées pour que les générations futures puissent comprendre les sacrifices qui ont été faits pour obtenir la liberté et l’indépendance du Cameroun.