Entre progrès et défis
Au cœur d’une conférence à l’hôpital Laquintinie de Douala. Chaque 24 mars, la communauté internationale célèbre la Journée mondiale de la tuberculose, une occasion de sensibiliser sur cette maladie infectieuse qui continue de sévir malgré les avancées médicales.
Dans cette dynamique, l’hôpital Laquintinie de Douala a organisé, ce mardi 25 mars, une conférence-débat sur le thème : « Lutte contre la tuberculose à l’hôpital Laquintinie de Douala : défis et solutions ». Un échange enrichissant qui a permis aux professionnels de santé de faire le point sur les avancées en matière de diagnostic et de prise en charge, mais aussi sur les difficultés persistantes.
L’une des problématiques majeures abordées au cours de cette journée a été celle du diagnostic de la tuberculose, qui reste un défi malgré l’introduction de nouvelles techniques, notamment la biologie moléculaire. « Les pièges du diagnostic sont nombreux », souligne le Dr Laurent Mireille Endale, chef service du Centre des Maladies Respirations et pneumologue. « Certaines lésions peuvent être très petites et passer inaperçues. De plus, certaines maladies pulmonaires, comme la sarcoïdose, présentent des images radiologiques similaires à celles de la tuberculose, ce qui peut prêter à confusion ». La radiographie, bien que précieuse, ne suffit pas à poser un diagnostic. Elle doit être complétée par des tests biologiques précis, tels que la biologie moléculaire, qui permet de confirmer la présence du bacille de Koch, responsable de la maladie. Cependant, ces techniques ont leurs limites, notamment lorsqu’il s’agit de détecter la résistance aux médicaments.
Malgré ces défis, l’hôpital Laquintinie dispose aujourd’hui de techniques innovantes qui facilitent le traitement des patients. « Nous disposons aujourd’hui de techniques de diagnostic moléculaire directement sur site », explique le Dr ENDALE. « Ces outils permettent de raccourcir le délai de diagnostic des patients et donc de les prises en charge et forcément de la survenir des complications voir des décès de ces patients ». Ces innovations sont cruciales pour freiner la transmission de la maladie et améliorer le pronostic des patients. De nouvelles techniques de diagnostic sont en cours de déploiement et pourraient bientôt être disponibles à Laquintinie, réduisant davantage les délais de détection et de prise en charge.
Le rôle clé du CDT dans la prise en charge
Le CDT est un centre de traitement et de diagnostic dans la prise en charge de la tuberculose. Rattaché à l’hôpital Laquintinie et situé dans les locaux du Centre des Maladies Respiratoires d’Akwa, dans la capitale économique du Cameroun, c’est un centre qui assure non seulement l’administration des médicaments mais aussi un accompagnement global des patients mise sur traitement. « Nous faisons du counseling, c’est-à-dire que nous expliquons aux patients ce qu’est la tuberculose, son mode de transmission, et l’importance de la prévention », explique NGO NSOUL Marguerite, infirmière diplômé d’Etat principal et en service au CDT. « L’acceptation du traitement passe d’abord par une bonne compréhension de la maladie. Nous aidons aussi les patients à suivre correctement leur traitement et nous accompagnons leurs familles ».
En plus du suivi thérapeutique, le CDT enregistre les patients et dispensent les médicaments, tout en s’assurant qu’ils respectent bien leur traitement. La tuberculose se transmet exclusivement par voie aérienne. Un malade, en toussant ou en éternuant, libère dans l’air des bacilles de Koch, qui peuvent ensuite être inhalés par son entourage. La promiscuité et les conditions de vie précaires favorisent la contamination, ce qui rend la sensibilisation essentielle dans la lutte contre la maladie. La mise sous traitement du patient suit un protocole strict. À l’hôpital Laquintinie, par exemple, plusieurs critères doivent être remplis avant l’envoie du patient au CDT : la possession d’un carnet de santé hospitalier pour assurer un suivi rigoureux ; un poids précis du patient, car le dosage des médicaments dépend exclusivement du poids et non de l’âge ou de la taille ; une prescription médicale validée par un médecin ; un test de dépistage VIH, car la co-infection tuberculose-VIH nécessite une prise en charge spécifique ; un résultat de test de crachat confirmant la présence de la tuberculose et enfin un numéro de téléphone permettant de contacter le patient en cas de non-observance du traitement. « Une fois ces conditions réunies, nous enregistrons le patient et nous lui dispensons les médicaments tout en lui expliquant comment bien suivre son traitement », ajoute l’infirmière Ngo Nsoul.
Les clés d’un traitement réussi : observance et prévention
Guérir de la tuberculose est possible, mais cela exige une discipline stricte de la part du patient. « Il faut comprendre que la tuberculose n’est pas une fatalité, mais une maladie dont on guérit si l’on respecte les consignes », rappelle l’infirmière d’Etat. Parmi ces consignes , le respect de la durée du traitement, qui varie entre 6 et 12 mois selon la localisation de la maladie ; la prise des médicaments à jeûne, chaque jour à 5h du matin, pour assurer une efficacité optimale ; une bonne alimentation équilibrée et une bonne hydratation, car les médicaments antituberculeux peuvent être toxiques pour le foie si l’organisme est affaibli et enfin la protection de son entourage, en évitant de contaminer ses proches et en respectant les gestes barrières. Le patient doit prendre ses précautions, enfin d’éviter le risque non seulement de contamination de ses proches, mais aussi une nouvelle infection après guérison.
Malgré ces progrès, l’un des grands défis reste le retard de consultation des malades. « Le principal défi que l’on rencontre dans la prise en charge des patients atteints de la tuberculose est surtout au niveau du délai de consultation des patients malgré les sensibilisations que nous allons bien sur continuer, les délais sont toujours longs », déplore le Dr Endale. « Les patients consultent après 3,4,6 mois parfois après avoir marché de formation sanitaire à formation sanitaire après avoir pris des médicaments traditionnels traiter la fièvre typhoïde etc.… c’est vraiment notre gros défi faire en sorte que les patients consultent suffisamment tôt pour que pour que le diagnostic soit posé à temps et s’assurer que les patients prennent leur traitement une fois qu’ils sont mis sur traitement jusqu’au bout est l’assurance d’une guérison saine ». Ce retard complique non seulement le traitement, mais favorise également la transmission de la maladie à l’entourage. Il est donc essentiel d’intensifier les campagnes de sensibilisation pour inciter la population à consulter dès les premiers symptômes (toux persistante, sueurs nocturnes, perte de poids inexpliquée).
La conférence organisée à Laquintinie marque une étape importante dans le renforcement des capacités du personnel médical face à la tuberculose. Avec des outils diagnostiques de plus en plus performants, une meilleure sensibilisation et un suivi plus rigoureux des patients, l’espoir d’une réduction significative de la tuberculose au Cameroun est bien réel. Mais pour que ces avancées portent pleinement leurs fruits, une mobilisation collective est nécessaire : des patients mieux informés et diagnostiqués plus tôt, des soignants formés aux dernières techniques et un engagement soutenu des autorités sanitaires. Seule une approche globale et concertée permettra de vaincre durablement la tuberculose.
Ange Kamya