L’écrivaine Djaili Amal crie à l’injustice
La justice camerounaise est une fois de plus au centre d’une polémique. Le verdict rendu le 1er avril 2025 par le Tribunal de Grande Instance de Bonanjo, condamnant Bekobe Mvondo Éric à cinq ans de prison avec sursis et une amende de 52 000 FCFA pour les coups mortels portés à son épouse Diane Yangwo, a provoqué une onde de choc dans l’opinion publique. Un jugement qualifié de « trop clément » par de nombreuses voix, parmi lesquelles celle, particulièrement audible, de l’écrivaine Djaili Amadou Amal.
Le 18 novembre 2023, Diane Yangwo, une enseignante, a été victime d’une violente agression commise par son mari, qui a entraîné son décès. Selon les conclusions de l’autopsie, les violences physiques ont provoqué une hémorragie interne abdominale fatale. Malgré la reconnaissance de culpabilité de l’accusé lors de l’audience du 4 mars, la peine prononcée a été jugée particulièrement légère au regard de la gravité des faits.
Sur les réseaux sociaux, dans les cercles militants comme dans le monde artistique, les réactions ne se sont pas fait attendre. L’actrice et productrice camerounaise Flavienne Tchatat a exprimé son désarroi sur sa page Facebook : « Nuit très difficile… Il aurait pu être mon frère et je serais toujours inquiète ; à quel moment la justice a-t-elle estimé que cet homme est psychologiquement guéri ? Nous sommes en danger, croyez-moi, un tel jugement face à une famille encore sous le choc de la perte de leur fille, c’est trop dur », a-t-elle écrit. L’indignation est également partagée par le milieu juridique. L’avocat Me Sikati a dénoncé la clémence de la décision en la comparant à d’autres affaires similaires jugées à l’étranger. « En France, un homme a été condamné à perpétuité pour avoir tué son épouse ; en Afrique du Sud, Oscar Pistorius a écopé de 13 ans de prison ; ici, un homme qui a battu sa femme à mort sort libre et paie une amende de 52 000 Fcfa. Qu’est-ce qui justifie cela ? Une décision de justice doit avoir un rôle éducatif ; ce verdict banalise le féminicide et met d’autres femmes en danger », déplore-t-il.
Une sentence « qui chosifie la femme »
Au cœur de cette vague d’émotion, la voix de l’écrivaine Djaili Amadou Amal, militante féministe, est venue renforcer la protestation. Dans une lettre ouverte adressée à Laurent ESSO, Ministre d’État, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, l’auteure de Les Impatientes s’indigne face à ce qu’elle considère comme une profonde injustice et un mépris de la dignité humaine. « Il est très regrettable que la dignité de la femme, ses droits dont le droit à la vie soient autant annihilés, et ce de surcroît avec la participation d’une autre femme », souligne-t-elle, en référence à la magistrate ayant rendu le verdict. La romancière camerounaise ne mache pas ses mots, qualifiant cette sentence d’« appel à la revanche non seulement des femmes, mais de l’humanité entière », tout en rappelant la nécessité d’une justice ferme pour enrayer la banalisation des violences conjugales au Cameroun.
L’écrivaine invite le Ministère Public à interjeter appel, tout en appelant la justice camerounaise à jouer pleinement son rôle de rempart face à la banalisation des violences faites aux femmes. Elle termine son plaidoyer par un message fort, rappelant qu’il est temps que la société tout entière offre un cadre protecteur aux femmes, quelles que soient leur condition ou leur génération. Au-delà de l’émotion collective, l’affaire Diane Yangwo cristallise un malaise profond autour de la réponse judiciaire face aux violences conjugales au Cameroun, et relance un débat brûlant sur la nécessité d’une justice plus ferme et équitable.
Ange Kamya