Vers un nouveau bradage de nos ressources
Le secteur minier camerounais est, depuis plusieurs années, victime de l’incompétence criante des autorités du MINMIDT. Les instructions claires du Chef de l’État visant à faire de ce secteur un levier stratégique de notre développement économique, de l’industrialisation et de l’émergence du Cameroun, demeurent lettre morte. L’ambition de positionner notre pays comme une véritable destination minière semble de plus en plus illusoire.
Après la signature de la convention minière sur le gisement de Lobe largement défavorable au Cameroun j’avais, en tant que patriote et expert reconnu dans l’industrie minière à travers l’Afrique et le monde, pris l’initiative de rédiger un guide de négociation des contrats miniers. Ce guide, publié dans plusieurs médias camerounais et internationaux, a été utilisé comme référence dans des recherches doctorales d’au moins quatre étudiants en droit minier, et cité dans des revues scientifiques telles que la Revue Africaine de Science Politique et de Relations Internationales (AJPSIR). Malheureusement, force est de constater que nos autorités ne tirent aucune leçon du passé. Les avis et recommandations des spécialistes sont systématiquement ignorés, tant au sein du Ministère des Mines qu’au niveau des conseillers techniques à la Présidence. Pourtant, ailleurs en Afrique, mon expertise a été mise à profit : au Gabon, elle a permis de déceler les faiblesses de la convention signée entre l’État gabonais et la compagnie australienne Fortescue pour le projet de fer de Belinga, aboutissant à sa renégociation l’une des premières grandes décisions de la transition conduite par le CTRI. Mais pendant que nos voisins avancent, le Cameroun, lui, continue à s’enliser dans la signature de conventions minières léonines qui hypothèquent gravement l’avenir du pays, ainsi que celui des ingénieurs que nous formons à grands frais. Dans les jours à venir, le MINMIDT prévoit, avec faste, de signer à Ebolowa une nouvelle convention minière portant sur les gisements de fer de Ntem et Djoum 3, au profit de la société CAMINEX, détenue par une banque libyenne. Pour rappel, les principaux gisements de fer découverts au Cameroun sont :
1. Mballam (Bestway Finance et AustSino)
2. Lobe/Kribi (Sinosteel)
3. Ngovayang (Jindal – Camina)
4. Grand Zambi (G-Stone)
5. Ntem (Caminex – Libyan Foreign Bank)
6. Djoum 3 (Caminex – Libyan Foreign Bank)
À ce jour, des conventions minières ont été signées pour Mballam, Lobe, Grand Zambi et Ngovayang. Je les avais, dès leur publication, jugées extrêmement défavorables pour le Cameroun, notamment celle signée avec Sinosteel, que j’ai analysée en 17 points dans une tribune publiée ici / Lorsqu’on observe les bénéficiaires des permis de recherche ou de conventions minières, on est en droit de se demander s’il reste encore un seul patriote au Cameroun. Peut-on sérieusement prétendre faire du pays une destination minière en confiant nos gisements à des aventuriers et spéculateurs sans aucune capacité technique ni financière à développer de véritables projets miniers ? Que vient faire la Libyan Foreign Bank dans le secteur minier camerounais ? CAMINEX, qui sollicite aujourd’hui une convention sur les gisements de fer de Ntem et Djoum 3, dispose-t-elle réellement du savoir-faire nécessaire à la mise en œuvre d’un projet de cette envergure ? Le secteur minier camerounais est aujourd’hui tenu par une mafia dont les intérêts personnels et ceux d’une élite prédatrice priment sur ceux de la nation. Tout le bruit orchestré autour des projets miniers en cette période électorale n’a rien de technique. Il s’agit d’un agenda politique déguisé. Or, la mine et la politique ne font jamais bon ménage. Signer des conventions ne suffit pas : il faut s’assurer de leur mise en œuvre effective, dans le strict respect des cahiers de charges. Sur le terrain, c’est tout le contraire : Sinosteel, G-Stone, Jindal exploitent des carrières de fer, et non des mines à proprement parler. Le transport des minerais se fait par route, et le chargement au port de Kribi, manuellement ! Peut-on réellement parler d’exploitation minière sérieuse dans ces conditions ? Ces projets marginaux n’ont aucun impact positif sur la vie du citoyen camerounais lambda. Ils ne créent ni emplois qualifiés pour nos jeunes ingénieurs, ni infrastructures, ni développement local. Prenons l’exemple de la région de l’Est : plus de 14 tonnes d’or y sont produites chaque année, et pourtant, cette zone ressemble à un territoire abandonné. Face à cette situation dramatique, il est urgent que le Cameroun : • Décrète un moratoire sur les activités minières ; • Réexamine toutes les conventions minières signées à ce jour ; • Audite rigoureusement la carte des retombées minières ; • Organise les États généraux des mines, afin de définir une nouvelle vision, une stratégie cohérente et durable pour notre secteur ; • Adopte un nouveau Code minier, car celui de 2023 est déjà obsolète et ne suscite aucun intérêt auprès des grands groupes miniers internationaux sérieux.
Dr Bareja Youmssi
Expert en mines et pétrole
Enseignant-Chercheur