De François à Léon XIV

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Entre continuité et rupture

L’apparition de la fumée blanche sur la Place Saint Pierre à Rome le jeudi 8 mai 2025, au deuxième jour du conclave, annonçait l’élection du Cardinal Robert Francis Prevost, de nationalité américaine, comme le 267ème Pape de l’Eglise catholique romaine.

Alors que certains analystes de l’actualité ecclésiale se posaient encore la question de savoir si l’Eglise catholique romaine aurait pour la première fois de son histoire un Pape noir provenant d’Afrique, le suspens a été rapidement levé au deuxième jour du conclave par la traditionnelle annonce, bien connue de tous : Habemus Papam (Nous avons un pape).  Le Cardinal Robert Francis Prevost venait alors d’être élu par ses pairs Cardinaux, pour succéder au Pape François, comme Evêque de Rome. Le moins que l’on puisse dire est que le nouveau Pape, Léon XIV, incarne à la fois une certaine continuité et une certaine rupture avec son prédécesseur.

Tous deux des religieux

Le Pape Léon XIV, comme son prédécesseur le Pape François, est un religieux c’est-à-dire issu d’une famille religieuse ou d’un ordre. Si François appartenait à la famille des jésuites, Léon XIV appartient à celle des augustiniens. En effet, parmi les Evêques, il en existe qui, à la base, appartiennent à des congrégations religieuses qu’on appelle aussi des familles religieuses. A titre d’illustration, au Cameroun par exemple, certains Evêques sont à la base des religieux. Comme Evêques religieux, on pourrait citer par exemple Monseigneur Joseph ATANGA, SJ, Archevêque de Bertoua, qui est de la famille des jésuites ou Monseigneur Faustin AMBASSA, CICM, Archevêque de Garoua, qui est de la famille des scheutistes. De façon générale, à la différence des diocésains, les religieux vivent selon une spiritualité qui leur est propre, dans le respect des règles élaborées par le fondateur de leur institut. Léon XIV est le premier Pape augustinien, comme François fut le premier Pape jésuite de l’histoire.

De l’Amérique à l’Amérique : du Sud vers le Nord

Le conclave de mars 2013 à l’issue duquel le Cardinal Argentin Jorge Mario Bergoglio a été élu Pape sous le nom de François est venu rompre avec la tradition millénaire de successions de Papes européens. Pour la première fois de l’histoire, avec François, l’Eglise a connu un Pape provenant d’Amérique latine. Le nouveau Pape, Léon XIV, vient lui aussi de l’Amérique. Mais, cette fois-ci, de l’Amérique du Nord, plus précisément des Etats-Unis d’Amérique. Quelques minutes après l’élection du nouveau Pape le 8 mai 2025, le locataire de la Maison Blanche, le Président Donald Trump, s’est d’ailleurs réjoui en ces termes : « Quelle excitation, quel grand honneur pour notre pays ! »

Il est important de noter que, bien que Léon XIV soit originaire de l’Amérique du Nord, comme religieux de l’ordre des augustiniens, il a été missionnaire en Amérique latine, terre natale de François, pendant de longues années. Il ne serait sans doute pas exagéré d’affirmer toute proportion gardée – que Léon XIV est un produit de François. En effet, après avoir occupé plusieurs responsabilités dans le gouvernement de l’ordre de Saint Augustin, le Père Robert Francis Prevost sera élevé à la dignité épiscopale en Amérique latine, précisément au Pérou, par le Pape François. A partir de 2023, François va lui confier d’importantes responsabilités dans le gouvernement de la Curie romaine.

Du choix du nom

Il est de tradition dans l’Eglise catholique romaine que l’élection du Pape s’accompagne du choix d’un nom. Précisons que le choix du nom par le Cardinal élu est loin d’être un acte anodin ou banal. Si pour les psychologues, le nom accompagne généralement la personnalité de l’enfant ; pour les théologiens, le choix du nom par le nouveau Pape est toujours révélateur de son programme, de son projet, mieux, de sa vision pastorale pour l’Eglise et le monde. En choisissant François d’Assise comme homonyme et modèle, le Pape Argentin envoyait sans aucun doute un signal clair quant à ses priorités. En effet, François d’Assise est le Saint Patron des défenseurs de l’écologie et un homme soucieux de la création et des pauvres. Que l’on soit croyant ou non, on ne peut nier la contribution du Pape François à la lutte contre la dégradation de l’environnement ou de ce qu’il appelait « la maison commune ». La particularité de François dans cette lutte a été de rapprocher le cri de la terre et le cri du pauvre. En d’autres termes, pour lui, si la crise écologique affecte toute l’humanité, les pauvres sont ceux qui en payent le prix fort (Laudato Si’, n.48).

Nonobstant sa proximité avec François, le Cardinal Prevost n’a pas choisi comme nom François II, mais plutôt Léon XIV. Ce choix fait penser à n’en point douter, au Pape Léon XIII que l’on considère historiquement comme le fondateur de la doctrine sociale de l’Eglise à partir de la publication de la toute première lettre encyclique sociale, Rerum novarum (Les Choses nouvelles) portant sur la question ouvrière. Dans un esprit de continuité à Léon XIII, on est en droit de présumer que le nouveau Pape accordera une attention particulière aux grandes questions sociétales dans le monde telles que l’immigration, la paix, les inégalités sociales, la solidarité internationale, etc.

Léon XIV et l’Afrique

Le nouveau Pape, Léon XIV, bien que n’étant pas Africain, n’est tout de même pas un étranger pour l’Afrique. D’ailleurs, au lendemain de son élection comme Pape, on a vu circuler sur les réseaux sociaux des photos de lui, au cours d’une visite officielle en République démocratique du Congo, alors qu’il était à la tête du gouvernement général de son institut religieux. Nous voulons simplement espérer que ce nouveau Pape, Léon XIV, à la suite de son prédécesseur François et dans un esprit de continuité de l’héritage de Léon XIII (connu pour son engagement social), posera sans ambages le problème de la pauvreté dans le monde en général et en Afrique en particulier. Car, le cri lancé le 15 mai 1891 par Léon XIII garde aujourd’hui toute sa pertinence en contexte africain : « La richesse afflue entre les mains d’un petit nombre et la multitude est laissée dans la pauvreté » (Rerum novarum, n.1).

Martial TATCHIM FOTSO, M.A.

Diplômé du College of Liberal Arts and Sciences

St John’s University, New York, Queens, USA.

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