Activités pétrolières en Afrique francophone

0
19

Dynamique, enjeux et défis

Le tableau est dressé, sans fard ni complaisance. L’Afrique francophone pétrolière, loin d’un bloc homogène gorgé d’or noir, se révèle une mosaïque de trajectoires divergentes, où la promesse de l’or noir se mue en mirage pour certains, tandis que d’autres, plus agiles et réformistes, semblent tirer leur épingle du jeu.

L’analyse comparative des performances pétrolières, loin des communiqués triomphants, met en lumière une fracture grandissante entre les « pays performants » et les « pays en difficulté », une ligne de faille qui redessine la carte énergétique régionale. L’illusion d’une richesse naturelle pérenne se heurte à la réalité brutale de l’épuisement des gisements et de l’impératif d’une exploration audacieuse, notamment dans les abysses de l’offshore profond. Le potentiel géologique, premier pilier de cette analyse, distingue clairement les audacieux des attentistes. Le Sénégal, malgré son statut de nouvel entrant, mise gros sur les promesses du champ Sangomar et du projet gazier GTA, porté par un volontarisme institutionnel naissant. La Côte d’Ivoire, revigorée par les découvertes majeures du bloc Baleine, ambitionne de retrouver sa place dans le Golfe de Guinée. Le Congo Brazzaville et le Gabon, forts d’une expérience plus ancienne, tentent de compenser le déclin de leurs actifs terrestres par une migration coûteuse vers les eaux profondes, une stratégie dont la pérennité reste suspendue aux aléas de l’exploration et aux soubresauts des marchés mondiaux. À l’opposé de ce dynamisme relatif, le Cameroun et la Guinée équatoriale incarnent les écueils d’une rente pétrolière trop longtemps considérée comme acquise. Le Cameroun, englué dans la léthargie de champs vieillissants et d’une exploration anémique, pâtit d’une inertie administrative qui étouffe toute velléité de renouveau. La Guinée équatoriale, malgré un potentiel résiduel, voit son secteur sclérosé par une centralisation excessive du pouvoir et une absence de découvertes majeures, la rendant dangereusement dépendante de ses actifs vieillissants. Le second pilier de cette fracture réside dans la qualité et l’attractivité du cadre juridique et de la gouvernance. Les « pays performants » ont compris la nécessité de moderniser leurs codes pétroliers, d’adopter des standards de transparence internationaux (à l’image de l’ITIE au Sénégal) et d’offrir des conditions contractuelles incitatives pour attirer les investissements étrangers, notamment dans les zones à haut risque de l’offshore profond. Le Sénégal, avec son code de 2019, fait figure de proue en intégrant des clauses de participation nationale obligatoire et un fort accent sur le contenu local. La Côte d’Ivoire mise sur la flexibilité de ses contrats de partage de production (PSC), tandis que le Congo et le Gabon tentent de rassurer les investisseurs par des clauses de stabilité juridique et des incitations fiscales ciblées. À l’inverse, le Cameroun et la Guinée équatoriale traînent les pieds en matière de réformes. La lourdeur administrative et le manque de transparence dans l’attribution des blocs au Cameroun constituent des freins majeurs à l’investissement. En Guinée équatoriale, une gouvernance perçue comme imprévisible et une faible transparence minent la confiance des investisseurs et entravent le développement d’un secteur pourtant vital pour l’économie nationale. Le troisième pilier, et non des moindres, concerne la capacité institutionnelle à valoriser efficacement les ressources. Les pays qui réussissent à tirer le meilleur parti de leur potentiel pétrolier se distinguent par des compagnies nationales fortes et autonomes, capables de jouer un rôle stratégique dans les projets d’exploration et de production. Le Sénégal, avec la montée en puissance rapide de PETROSEN, le Congo Brazzaville, avec une SNPC gérant efficacement les PSC, et le Gabon, avec la prise de contrôle d’actifs stratégiques par la GOC, illustrent cette dynamique. À l’opposé, le Cameroun et la Guinée équatoriale souffrent d’une faible autonomisation de leurs institutions pétrolières nationales, les cantonnant souvent à un rôle de supervision administrative sans réelle capacité opérationnelle ou stratégique. Cette faiblesse institutionnelle entrave la capacité de ces pays à négocier des contrats équilibrés, à superviser efficacement les opérations et à maximiser les retombées économiques pour leurs populations. Ainsi, l’Afrique francophone pétrolière se trouve à la croisée des chemins. Les pays qui ont su anticiper l’épuisement de leurs ressources traditionnelles, moderniser leurs cadres juridiques et renforcer leurs capacités institutionnelles semblent en meilleure posture pour affronter les défis de la transition énergétique mondiale et continuer à tirer profit de leurs ressources en hydrocarbures. À l’inverse, ceux qui sont restés englués dans une gestion rentière et une inertie réformatrice risquent une marginalisation progressive sur un marché pétrolier africain en pleine recomposition. La promesse de l’or noir ne suffit plus ; seule une stratégie proactive et une gouvernance éclairée peuvent transformer cette richesse souterraine en un véritable levier de développement socio-économique pérenne.

Dr Bareja Youmssi

Expert en mines et pétrole, Enseignant – chercheur

LAISSER UNE RÉPONSE

Veuillez saisir votre commentaire !
Veuillez saisir votre nom ici