Secteur minier

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La SONAMINES devient l’Agence nationale des activités minières (ANAM)

Au Cameroun, les jours passent et se ressemblent dans l’industrie extractive, en général, et dans le secteur minier, en particulier, où nos pratiques restent en décalage avec les standards internationaux.

Le 9 juin 2025, le Premier ministre a signé un arrêté instituant un nouveau Cadre de négociation des conventions minières, une instance désormais rattachée à la SONAMINES. Selon le gouvernement, cet organe vise à mieux défendre les intérêts nationaux dans les projets miniers. Cet arrêté marque également la fin d’un bras de fer entre le MINMIDT (Ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique) et la SONAMINES, au sujet du contrôle des ressources minières nationales. Désormais, la SONAMINES – qui semble avoir remporté cette bataille institutionnelle – voit ses prérogatives renforcées au point de devenir, dans les faits, la « SNH » du secteur minier. Le rêve de son Directeur général, ancien Directeur des mines au MINMIDT, se concrétise ainsi. Éléments clés pour comprendre la situation :

1- Cadre légal et statut de la SONAMINES

Créée le 14 décembre 2020, la SONAMINES (Société Nationale des Mines) est le bras opérationnel de l’État dans le domaine des mines solides (or, diamant, etc.). Elle est distincte du ministère de tutelle. Depuis l’adoption du nouveau Code minier en décembre 2023, la SONAMINES détient :

• le monopole de l’achat et de la vente de l’or et du diamant ;

• la gestion des parts de production de l’État dans les projets miniers.

2. Un acteur « juge et partie »

La SONAMINES cumule des fonctions opérationnelles (exploration, exploitation, commercialisation) et réglementaires (délivrance des agréments, cartes de collecteurs, supervision des comptoirs d’achat).

Ce cumul la place à la fois en position d’arbitre et de joueur, ce qui suscite de nombreuses critiques, tant au niveau national qu’international. Certaines voix appellent à une clarification urgente :

• Soit transformer la SONAMINES en une véritable agence étatique de régulation, sans rôle opérationnel,

• Soit créer une entité publique distincte, dédiée exclusivement à l’exploitation minière.

3. Un nouveau cadre de négociation centralisé

Le décret du 9 juin 2025 crée un Cadre de négociation des conventions minières, présidé par le Directeur général de la SONAMINES. Cette structure comprend également des représentants de plusieurs ministères et collectivités locales. Toutefois, ni les ONG ni la société civile n’y sont représentées, ce qui interroge sur la transparence du dispositif. Cette décision centralise davantage le pouvoir entre les mains de la SONAMINES, qui devient à la fois négociateur, régulateur et opérateur, consolidant ainsi sa mainmise sur l’ensemble de la chaîne de valeur minière.

Conclusion

L’arrêté du Premier ministre conforte le rôle dominant de la SONAMINES, accentuant son caractère de « juge et partie ». Cette situation, loin d’inspirer confiance, risque au contraire de dissuader les investisseurs internationaux sérieux, soucieux de transparence, d’équité et de bonne gouvernance. Le conflit d’intérêts structurel au cœur du dispositif actuel alimente une forme de captation mafieuse du secteur minier camerounais et nuit gravement à l’image du pays comme destination minière fiable. Par ailleurs, avec cet arrêté, le MINMIDT devient le MINIDT (Ministère de l’Industrie et du Développement Technologique), une manière symbolique de marquer la perte de contrôle du ministère sur les ressources minières nationales.

Recommandations

Il est urgent de :

• Clarifier la mission et le statut de la SONAMINES, en choisissant entre une fonction de régulation (sous forme d’agence ou de ministère des Mines) ou une fonction purement opérationnelle ;

• Mettre en place un organe de régulation indépendant, garant de la transparence, de la gouvernance et du respect des règles de concurrence ;

• Associer la société civile et les ONG à toutes les étapes clés du processus décisionnel pour plus de légitimité et de confiance ;

• Envoyer un signal fort de transparence et de bonne gouvernance aux partenaires techniques et financiers, afin de faire du Cameroun une véritable destination minière attractive et compétitive.

Dr Bareja Youmssi, Expert en Mines et Pétrole, Enseignant-Chercheur

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