Élection Présidentielle au Cameroun. À quand la Digitalisation complète du processus électoral ?

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Le Cameroun traverse aujourd’hui des tensions post‑électorales profondes, matérialisées par des incendies, des attaques contre des institutions et des contestations virulentes des résultats; ces manifestations révèlent une crise de confiance structurelle dont l’une des causes profondes est l’absence d’une digitalisation intégrale et maîtrisée du processus électoral.

À l’ère des avancées fulgurantes du numérique, les technologies de l’information et de la communication ont transformé radicalement l’administration publique (dématérialisation des dossiers, services en ligne), la finance (paiements et transferts mobiles), la santé (dossiers patients électroniques, télémédecine), l’éducation (plateformes d’apprentissage) et la logistique (traçabilité et gestion en temps réel), produisant des bénéfices concrets : rapidité des opérations, gains de productivité, réduction des coûts, traçabilité et économies d’échelle, des atouts directement transposables à l’organisation d’élections nationales.

Il est donc difficilement compréhensible qu’un pays disposant des capacités humaines, d’infrastructures télécoms croissantes et d’un potentiel économique comme le nôtre relègue la digitalisation au rang d’option secondaire pour l’élection la plus structurante de la nation.

Une élection présidentielle exige des moyens techniques, humains et financiers proportionnés à son enjeu : crédibilité, transparence et cohésion sociale.

Or, l’usage persistant de bulletins papier non sécurisés, de procès‑verbaux manuscrits et de transmissions centralisées sans garanties électroniques expose le processus à des erreurs humaines, à des manipulations potentielles, à des délais de consolidation des résultats et à une multiplication des litiges judiciaires et politiques, avec des coûts économiques et sociaux élevés et un risque réel d’embrasement social.

La digitalisation complète ou totale que je défends se définit par l’intégration systématique de technologies à chaque étape du cycle électoral : registre électoral électronique et biométrique, identification fiable des électeurs, bulletins à codes uniques ou votes électroniques chiffrés, remontée chiffrée et horodatée des résultats, plateformes de publication en temps réel et journaux d’audit indépendants; ses caractéristiques essentielles sont l’immutabilité, la traçabilité, le chiffrement, la redondance et l’auditabilité.

Mise en œuvre correctement, cette digitalisation aurait produit des effets mesurables et immédiats : fiabilisation des listes électorales par élimination des doublons et mise à jour continue; compression des délais de dépouillement et de publication des résultats réduisant l’espace des rumeurs; transparence renforcée par l’accès contrôlé à des preuves numériques horodatées; diminution drastique des contestations par la disponibilité d’archives vérifiables; optimisation des coûts à moyen terme via la réduction des opérations manuelles et des procédures contentieuses; et, par-dessus tout, restauration d’un socle de confiance citoyenne indispensable à la stabilité institutionnelle.

Si aujourd’hui des candidats et des partis se contredisent sur les chiffres, cela découle en grande partie d’un système qui considère la digitalisation comme un luxe plutôt que comme une exigence stratégique; cette contradiction n’est pas seulement technique, elle est politique et morale.

Il est urgent d’agir : lancer un plan national de digitalisation électorale articulé autour d’un cadre légal, d’audits indépendants, de formations ciblées pour les acteurs de terrain et de mécanismes de résilience pour les zones à faible connectivité. S’inscrire en marge des progrès techniques serait non seulement archaïque mais dangereux pour la paix civile. In fine, la transparence électorale doit être considérée comme le point d’équilibre indispensable.

Luchel Camus (journaliste, Glob’Media)

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