Il faut repenser l’enseignement
Le 5 octobre 2025, comme à l’accoutumée, le Cameroun se joint au reste du monde pour célébrer la Journée mondiale de l’enseignant. Cette journée est dédiée à l’enseignement comme une profession collaborative
La journée d’hier a été consacrée à la journée mondiale de l’enseignant. Comme chaque 05 octobre de l’année, elle a été célébrée au Cameroun et partout dans le monde, sous le thème « Repenser l’enseignement comme une profession collaborative », cette journée, initiée par l’UNESCO en 1994, est dédiée à la reconnaissance du rôle essentiel des éducateurs ainsi qu’à l’importance de la collaboration entre ces derniers pour transformer l’éducation et améliorer l’épanouissement professionnel. L’événement vise à valoriser la profession enseignante en mettant en avant l’importance du soutien, du partage d’expertise et de la coresponsabilité au sein de la communauté éducative. Cette fête vise à promouvoir un environnement où les enseignants collaborent, partagent leurs connaissances et travaillent ensemble pour le bien de l’éducation. Ses objectifs consistent à renforcer l’épanouissement professionnel en soulignant l’importance de l’entraide, d’améliorer la qualité de l’enseignement en valorisant l’échange de pratiques, et de reconnaître internationalement le rôle essentiel des enseignants pour le développement des sociétés. Promouvoir la collaboration, encourager un environnement où les enseignants collaborent, partagent leurs connaissances et travaillent ensemble pour le bien de l’éducation, renforcer l’épanouissement professionnel, reconnaître que la collaboration et l’entraide sont essentielles pour la satisfaction professionnelle des enseignants sont entre autres, les objectifs de cette journée réservée aux seigneurs de la craie. Il est également question d’améliorer la qualité de l’enseignement, de souligner que la collaboration contribue à l’amélioration des pratiques pédagogiques et des résultats d’apprentissage. Pour le Dr Albin Nelson Georges Houack, enseignant à l’université de Bertoua, le 05 octobre est une date importante. Symboliquement, cela témoigne d’une considération certaine pour le corps enseignant. Toutefois, le plus important est de questionner l’impact de la célébration de cette journée sur le sort de l’enseignant camerounais. Qu’est ce qui est véritablement orchestré pour que les cris que les enseignants camerounais adressent aux autorités politiques soient entendus? En mon sens pas grand-chose. Le thème s’inscrit dans l’ère du temps. L’enseignant n’est pas / n’est plus une monade. Autour de lui, il y a tout un environnement humain (collègues, parents et élèves) et matériel (livres, podcast, audios, intelligence artificielle etc.) qu’il doit pouvoir mettre à profit pour exceller dans son labeur. Cela dit, il ne faudrait pas oublier que l’enseignement n’a de sens que si l’enfant apprend véritablement quelque chose. Donc le but ultime de l’enseignement/apprentissage est la formation de l’apprenant. Et dans cette tâche, plus que jamais, l’enseignant doit comprendre qu’il n’est plus le seul maître. Il doit être humble et s’ouvrir aux autres, s’ouvrir au monde qui l’entoure.
Le thème de cette journée rappelle l’importance de la collaboration comme moteur de la transformation de l’éducation. Il est important de rappeler que des inégalités persistantes dans l’accès à la formation professionnelle empêchent encore aujourd’hui de nombreux enseignants de bénéficier d’un apprentissage collaboratif qui pourrait pourtant les aider à faire évoluer leurs pratiques et à rester motivés.
Panisse Istral Fotso
Pr Jean Marcel Essiene, enseignant-chercheur spécialiste en sciences du langage, analyste du discours socio-politique francophone (stylistique, grammaire normative, méthodologie de la recherche.
« Repenser l’enseignement comme une profession collaborative constitue aujourd’hui une exigence fondamentale dans un contexte éducatif marqué par la complexité croissante des apprentissages, la diversification des publics scolaires et les mutations sociales et technologiques ».
Loin d’être un simple mot d’ordre, la collaboration redéfinit la posture professionnelle de l’enseignant et engage une transformation profonde des cultures éducatives. Traditionnellement, l’enseignant a été perçu comme un praticien autonome, maître de sa classe et seul responsable de ses pratiques pédagogiques. Cette conception, héritée du modèle transmissif et individualiste de l’école moderne, tend à isoler les acteurs éducatifs, limitant ainsi le partage d’expertises et la co-construction de savoirs professionnels. Or, les défis actuels de l’éducation inclusion, différenciation pédagogique, intégration du numérique, évaluation des compétences exigent des réponses concertées et pluridimensionnelles que l’action individuelle ne peut suffire à produire. La professionnalité enseignante, dans une perspective collaborative, se définit alors comme un processus collectif de développement. Les enseignants deviennent des communautés d’apprentissage professionnelles, capables d’analyser conjointement leurs pratiques, d’échanger des outils, d’expérimenter des dispositifs innovants et d’en évaluer les effets. Ce travail collaboratif favorise la réflexivité, la construction d’une identité partagée et l’amélioration continue des pratiques pédagogiques. Cependant, la mise en œuvre d’une telle approche suppose des conditions structurelles et culturelles précises : un temps institutionnalisé pour la concertation, une reconnaissance officielle du travail collectif, une formation à la coopération et, surtout, un climat de confiance au sein des équipes éducatives. Sans ces préalables, la collaboration risque de demeurer un idéal rhétorique, sans réelle portée transformative. En définitive, repenser l’enseignement comme profession collaborative revient à affirmer que l’efficacité éducative repose désormais sur la coopération des intelligences plutôt que sur la performance individuelle. L’école du XXIᵉ siècle ne peut se construire que dans et par le collectif : un espace où le savoir se partage, se discute et se reconstruit au service de la réussite de tous les élèves.
