Présidentielle 2025

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Une vague pour issa Tchiroma Bakary, selon libération

Est-ce qu’on doit encore se résoudre à la triche ? Au lendemain d’une élection présidentielle sous tension, l’opposant Issa Tchiroma a le vent dans les voiles. Le président Paul Biya, 92 ans, fait face à une fronde sans précédent, mais le régime garde la main sur le décompte des voix.

« Une élection ne se joue pas forcément le jour du vote. Au Cameroun, c’est même une étrange partie de poker qui a démarré ce lundi 13 octobre, au lendemain de l’élection présidentielle. Un scrutin qui opposait le président sortant, Paul Biya, 92 ans, dont 43 au pouvoir, face à onze candidats. Mais très vite au cours de la campagne électorale, un seul opposant a émergé, nettement en tête, pour défier un président vieillissant, souvent absent d’un pays délabré, qui sollicite un huitième mandat, susceptible de le maintenir au pouvoir jusqu’à l’âge de 99 ans. En quelques semaines, en septembre, Issa Tchiroma Bakary – un homme du sérail qui fut longtemps ministre de Biya, avant de rompre avec le régime fin juin – a démontré sa capacité à rassembler des foules immenses, suscitant un engouement inattendu. Le 1/4 challenger de l’opposition lors de l’élection de 2018, Maurice Kamto, avait vu, lui, sa candidature invalidée en août. A première vue, et même sans décompte officiel, ce succès populaire pourrait s’être répercuté dans les urnes. Dès la fermeture des bureaux de vote, dimanche, des centaines de photos ont envahi les réseaux sociaux, comme les conversations privées, montrant sans cesse les mêmes images : devant les urnes, un tableau noir, sur lequel s’alignaient des petits bâtons à la craie, plébiscitant Tchiroma. « C’est un raz-de-marée», ont affirmé plusieurs Camerounais du nord au sud du pays. Dans une certaine confusion, le logo de Radio France internationale (RFI) a été détourné pour relayer une fausse information sur les réseaux sociaux, annonçant l’élection confirmée du candidat de l’opposition. Reste à savoir comment le décompte sera validé dans un pays où toutes les institutions de vérification des votes sont entre les mains du régime en place. Elles ont quinze longs jours pour proclamer, le 26 octobre, les résultats de ce scrutin à un seul tour. Fausses promesses. «Les autorités vont tout tenter pour changer le vote, mais cette fois-ci, la marge est trop importante, ça ne sera pas facile de tricher», veut croire Anicet Ekane, célèbre activiste des luttes contre le régime depuis les années 70. Lequel a joué un rôle décisif pour imposer Tchiroma en leader d’une opposition divisée. Ce lundi matin, il essayait, sans succès, de joindre au téléphone son candidat à Garoua, principale ville du nord du pays, théâtre de scènes d’affrontements dès dimanche. Lui-même originaire du nord, Tchiroma a voté à Garoua. «Mais quand il a voulu rentrer chez lui, escorté par ses supporters, les forces armées ont essayé de s’interposer et la situation a dégénéré», raconte Anicet Ekane, joint par Libération. Des manifestants, parfois très jeunes, se sont opposés aux militaires, et un camion de la gendarmerie a été incendié. Dans le temps suspendu qui s’impose depuis le scrutin, tous les regards sont tournés vers le nord du pays. «L’atout majeur par rapport à la précédente présidentielle en 2018, c’est le basculement du Nord qui compte près de deux millions d’électeurs, et a longtemps voté pour le parti au pouvoir sous l’injonction des élites ralliées au régime. Or dans cette région délaissée, la pression de la base a conduit les leaders locaux, dont Tchiroma, à se dissocier du pouvoir», analyse Théophile Nono, secrétaire général du collectif Mémoire 60, une association qui milite pour la reconnaissance des crimes qui ont accompagné l’indépendance du Cameroun. 2/4 En quelques semaines, Issa Tchiroma Bakary a démontré sa capacité à rassembler des foules immenses, suscitant un engouement inattendu. « En 2018, la base de l’opposition, menée par Kamto, c’était le pays bamiléké », poursuit cet intellectuel installé dans l’ouest du pays. «Mais les Bamiléké [souvent stigmatisés tout en étant très impliqués dans le secteur économique, ndlr] ont des intérêts à protéger, ils n’étaient pas prêts à descendre dans la rue pour défendre leur vote. Avec le Nord, c’est différent», affirme-t-il. « Les gens sont prêts à tout gâter» «Les Nordistes, on ne peut plus les faire taire. On les a trop négligés, avec de fausses promesses», surenchérit Jean-Pierre Bekolo, célèbre cinéaste camerounais de passage à Paris ce lundi. Tout en redoutant un attentisme qui ces prochains jours pourrait démobiliser l’électorat : « Est-ce qu’on doit se résoudre à la triche ? Attendre de la constater, comme si c’était normal, et réagir après ? » Comme souvent en Afrique, c’est surtout la réaction des forces de l’ordre qui peut être déterminante : seront-elles prêtes à tirer sur des manifestants, étouffant la contestation par la répression ? « A Bamenda, dans l’Ouest anglophone [région en guerre larvée depuis 2017 sous la pression des séparatistes] toute une caserne a voté pour Tchiroma », souligne Jean-Pierre Bekolo, rappelant que «les forces de l’ordre sont divisées». A Douala, la capitale économique sur la côte, elles étaient pourtant massivement présentes dans les rues ce lundi, selon Annie Ayep, une célèbre blogueuse spécialiste du fact-checking. «Il n’y a plus de pain dans les boulangeries et les rues sont désertes», ¾ indique-t-elle. Avant d’ajouter : «Reste que l’impression générale, c’est que cette fois-ci, les gens sont prêts à tout gâter, si Biya passe encore en force.» En fin de matinée, Tchiroma lui-même postait sur Facebook : «Peuple camerounais, vous avez parlé massivement et moi à mon tour, je m’adresserai à vous bientôt. Je suis en sécurité et en santé.» Le bras de fer ne fait que commencer. »

Maria Malagardis, Libération

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