Interview

0
5

Pr Flora Amabiamina

« Il faut que nos responsabilités individuelles soient engagées sur la question de la violence faite à la femme, toute chose qui commande l’implication de tous, afin de construire une société juste et harmonieuse. »

Enseignante de littérature à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Douala, la Pr Flora Amabiamina vient de co-diriger, avec la Dr Édith Ndjah Etolo de l’université de Yaoundé 1, un ouvrage intitulé « Les violences faites aux femmes: Un regard pluridisciplinaire en contexte camerounais ». Rencontrée par La Nouvelle Expression, elle livre l’économie dudit ouvrage. L’emphase est mise sur les violences endurées par les femmes dans la société camerounaise, lesquelles peuvent entraîner des conséquences plurielles, dont certaines causent des pertes en vies humaines.

Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de cet ouvrage et quel est le but recherché ?

J’ai été approchée par Édith Ndjah Etolo, ma collègue de l’Université de Yaoundé I, que j’ai connue en 2014, à la faveur d’un projet mené pour le compte de la revue Pax Academica du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA) en 2014 sur les questions du genre et des libertés académiques en Afrique, dans l’enseignement supérieur en Afrique. Elle m’avait alors promis que nous mènerions un projet toutes les deux. Lorsqu’elle me l’a présenté, au dernier trimestre 2023, il m’a tout de suite été séduite. J’y ai adhéré, tant le sujet était intéressant et d’actualité, en regard des événements en lien avec de nombreuses agressions dont les femmes étaient régulièrement victimes dans notre pays.

Est-ce que vous pouvez donner une idée des statistiques des violences faites aux femmes au Cameroun ?

Les dernières statistiques, portant davantage sur les féminicides, je les tiens de militantes et d’organismes ou institutions. Clarence Yongo, journaliste/promotrice du média en ligne, Griote TV, et activiste des droits de la femme, a répertorié, pour l’année 2024, soixante-seize cas de féminicides, dont les auteurs sont soit un partenaire, soit un parent, soit un proche ou un inconnu. Sonia Omdoudou (2024) du journal quotidien bilingue Cameroon Tribune, en a comptabilisés 67 pour la période courant de janvier à novembre de la même année. Le Bureau central des recensements et des études de population (BUCREP), dans un document intitulé Féminicides au Cameroun. Tirons la sonnette d’alarme (8 mars 2025), a recensé 69 victimes en 2024 et 10 pour le seul mois de janvier 2025 résultant des actions de tiers. Ce rapport souligne, par ailleurs, que « ces données semblent sous-estimées et demeurent peu fiables en raison du manque de signalement qui entoure ces crimes ». En fin mai 2025, l’on dénombrait déjà plus d’une trentaine de féminicides. Les données de Griote TV font état de 54 cas pour la période courant de janvier à avril 2025. Maintenant, il y a de nombreuses autres violences physiques et/ou psychologiques perpétrées dans l’espace public dont on ignore les chiffres, tellement elles sont désormais banalisées donc rendues ordinaires, acceptées jusqu’à un seuil de tolérance déterminé de manière unilatérale par les acteurs.

Est-ce qu’on peut savoir les tranches ou les catégories les plus affectées ?

On ne peut pas à proprement parler de tranches ou de catégories les plus affectées car toutes vivent le fléau des violences physiques ou psychologiques. C’est d’ailleurs ce sur quoi nombre d’études du collectif s’appesantissent. Il est des situations et/ou statuts qui rendent les victimes vulnérables aux agressions comme il en est des fillettes, des exilées économiques, des pénuries financières. Jeannette Wogaing démontre que, contrairement à des idées reçues, quasiment aucune catégorie n’est à l’abri. Pour y parvenir, elle s’intéresse aux cas de femmes instruites violentées par leurs compagnons parfois jusqu’à la mort. Mais, au regard de l’actualité, je peux me risquer à dire que ce sont les femmes en couple, relativement jeunes, qui en souffrent davantage. Peut-être aussi parce que les événements y relatifs sont de plus en médiatisés grâce aux réseaux sociaux. Maintenant, il y a des victimes collatérales, notamment les tiers (parents de la victime, enfants, etc.)

Quelles sont les conséquences de ces violences sur la santé mentale et physique des victimes ?

Évidemment qu’elles sont nombreuses : déstructuration, perte de l’estime de soi, dépressions, fragilités, vulnérabilité, alcoolisme, boulimie, etc. Quasiment toutes les contributions de l’ouvrage le soulignent. Toutefois, celle de Marie Perisser Mbango Kolle et Élias Perrier Ngueulieu s’y attarde particulièrement. Ces auteurs postulent que la violence psychologique est la forme la plus toxique des maltraitances à l’endroit des femmes. De surcroît, du fait qu’elle est souvent ignorée, voire niée, elle est dévastatrice, en raison aussi de son caractère symbolique, et peut conduire à la défiguration du sujet-victime. Or dans notre environnement, nous avons tendance à minimiser les dimensions psychologiques des souffrances et à ne prêter attention qu’aux violences physiques car elles sont visibles. Or, les premières sont les plus nocives.

Qu’est-ce que vous proposez comme solution de lutte contre les violences faites aux femmes ?

Je ne crois pas qu’il existe de solutions-miracles. Toutefois, de mon point de vue, l’éducation des uns et des autres joue un rôle fondamental dans le phénomène des violences. Nos vécus respectifs structurent nos personnalités. Les psychologues du développement nous enseignent qu’un sujet qui a grandi dans un environnement agressif est susceptible de reproduire les schémas de brutalité. Une étude dans le livre s’y intéresse en posant le problème de la vulnérabilité des conjoints violents, induite par des expériences psychosociales antérieures. Djaïli Amadou Amal qui, depuis sa légitimation et son couronnement par les instances internationales, est considérée comme une figure majeure du militantisme contre les violences à l’égard de ses consœurs, le dit à sa manière depuis plus de deux décennies par l’entremise de sa production romanesque (Walaande, l’art de partager un mari, 2010; Les impatientes, 2020 ; Cœur du Sahel, 2022; et Le harem du roi, 2024). Elle y met en surplomb les brutalités endurées par la jeune fille/femme du Sahel avec pour socle des traditions/mentalités patriarcales auxquelles se greffent des considérations religieuses purement dogmatiques.

Qu’espérez-vous que les lecteurs retiennent après avoir lu votre livre ?

Notre livre est scientifique. La question des cruautés endurées par le genre féminin y a bénéficié d’un regard qui se veut à la fois pluridisciplinaire et transdisciplinaire dans le but d’avoir une aperception holistique du phénomène. Mais, ce livre est aussi social, car il s’attarde sur des situations de vie de notre environnement. Nous connaissons, chacun, à défaut d’avoir vécue cette expérience, au moins un cas de femme victime de violences du fait de son genre. Le problème est donc récurrent. Le phénomène étant complexe, insidieux, voire morbide, la majorité le confine à la maltraitance physique. J’espère que ce livre permettra d’en déceler les prémisses et/ou les caractéristiques.

Comment le livre peut-il changer la perception des hommes et des femmes sur le sujet ?

Le livre peut participer au changement de perception des uns et des autres sur le sujet en lui découvrant la sinuosité et la sournoiserie du phénomène qui est un fléau. Au-delà des actions militantes et associatives, chaque citoyen doit s’indigner contre toute forme de violence et, en particulier, contre celle orientée envers la femme.

Quelles sont les solutions concrètes et les ressources qui peuvent aider les victimes ?

Les victimes ont incontestablement besoin d’être accompagnées, tant les souffrances endurées sont grandes et leurs conséquences dévastatrices. Et c’est une part du capital humain de notre pays qui impacte son développement. Ces victimes doivent donc être prises en charge dans des structures spécialisées et par un personnel adapté ; ce qui induit un aspect financier. La structure familiale a aussi un rôle majeur à jouer car, très souvent, les martyres font face à une victimisation secondaire, laquelle se produit lorsque la victime d’un crime subit un préjudice supplémentaire, non pas du fait de l’agresseur, mais à cause de la manière dont elle est traitée par les institutions ou les acteurs du processus judiciaire. La victimisation secondaire désigne un supplice additionnel ou supplétif distinct, que la martyre et ses soutiens assimilent à une violence autant incommodante que celle infligée par le bourreau initial. L’exemple Diane Yangwo qui a défrayé la chronique, il y a quelques mois après le rendu du premier jugement contre son époux, l’illustre à suffisance.

Comment le livre peut-il contribuer à la prévention de la violence ?

Je ne vais pas non plus être prétentieuse. La question a déjà été adressée par d’autres, et elle continue de nourrir les débats, surtout que nous vivons dans un monde qui s’ensauvage au quotidien. L’actualité, au Cameroun, sur la question révèle que, malgré les interpellations diverses, les lanceurs d’alerte y contribuent largement, il y a comme une sorte de surdité et de cécité qui entoure le phénomène, puisque les drames continuent d’alimenter les informations. Il n’y a qu’à citer le cas tout récent de la tiktokeuse Merveille Mbella.

Quel rôle les institutions, le gouvernement et la société peuvent-ils jouer pour lutter contre ce fléau ?

Des actions plurielles sont déjà menées par les divers organes que vous mentionnez mais aussi des personnalités. Une contributrice a étudié l’action gouvernementale à ce propos, à travers le Ministère de la promotion de la femme et de la famille à partir d’un outil d’information et de communication, Femmes & Familles Magazine. C’est un exemple parmi d’autres. L’Association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF), née en 1991, en a fait son cheval de bataille au point d’être reconnue à travers Aissa Doumara Ngantansou, sa figure emblématique, couronnée par le premier Prix Simone Weil de la République française pour l’égalité femme/homme, en 2019. L’écrivaine Djaïli Amadou Amal, reconnue comme une défenseure de la condition de la femme s’est investie dans la cause des violences contre celle-ci. Pour ce faire, en marge de son roman qui sensibilise sur la question, elle a créé l’Association Femmes du Sahel œuvrant pour l’éducation et le développement, en 2012. Je ne saurais oublier Clarence Yongo, journaliste/promotrice du média en ligne, Griote TV qui tient régulièrement les statistiques sur les violences faites aux femmes, à l’effet de sensibiliser à plus d’empathie en faveur du deuxième sexe dont la condition n’est pas la plus reluisante. D’autres actions sont posées même si elles ne sont pas toujours visibilisées.

Comment le livre aborde-t-il l’empathie et la compassion envers les victimes ?

Le livre n’avait pas pour objet d’aborder singulièrement les questions liées à l’empathie ou à la compassion manifestée envers les victimes. Toutefois, derrière les différents discours, l’on perçoit bien ces sentiments car l’on ne saurait se pencher sur une problématique comme celle des violences envers les femmes et rester insensible. Toute préoccupation scientifique part d’un constat découlant d’une observation. Tous les contributeurs ont été interpellés par une situation particulière : le harcèlement dans la rue ou les espaces marchands, le discours misogyne à la télévision ou dans les réseaux sociaux, l’exploitation sexuelle des immigrées agricoles, les violences conjugales, intrafamiliales, économiques ou dans le milieu politique, etc.

Quel message voulez-vous transmettre à vos lecteurs pour qu’ils soient des acteurs du changement ?

Je suppose que par « acteurs du changement », vous entendez ceux en rapport à la problématique traitée dans le livre Les violences faites aux femmes. Mon message serait que nos responsabilités individuelles soient engagées sur cette question, toute chose qui commande l’implication de tous, afin de construire une société juste et harmonieuse.

Interview réalisée par Panisse Istral Fotso

Cameroon : Women lifes matter

(Les violences faites aux femmes, un regard pluridisciplinaire en contexte camerounais, Douala, Pygmies, 2025)

À Diane Yangwo et à toutes celles tombées sous les poings de bêtes déguisées en hommes. Qu’à l’encre de votre sang s’écrivent les plus belles pages de l’avenir de la femme camerounaise !

« Dresser un état des lieux des agressions contre les femmes, de leurs causes et de leurs manifestations en insistant sur la façon dont les logiques sociales diverses construisent des modes de résilience et de riposte » tel est l’objectif principal de l’ouvrage collectif dirigé par Flora Amabiamina et Édith Ndjah Etolo. Le projet répond à un impératif catégorique : refuser de se taire devant la barbarie de nos sociétés « civilisées » où le développement des technologies conduisant à un plus grand accès à la connaissance rime, paradoxalement, avec le recul de l’empathie à l’égard de l’Autre, en l’occurrence la femme. Ecrivains et universitaires camerounais de tous bords (littérateurs, linguistes, sociologues, anthropologues, psychologues etc.) ont croisé le verbe et la science afin de questionner la banalisation tragique et croissante des violences contre les femmes au Cameroun. Cette multidisciplinarité est, à n’en point douter, la première richesse du livre puisqu’elle favorise un regard surplombant sur un fléau, véritable frein à l’émergence tant humaine qu’économique de la nation camerounaise. L’organisation de l’ouvrage en quatre parties – à l’image des points cardinaux – témoigne, d’emblée, de la volonté des auteures d’offrir une lecture holistique de la maladie du corps social que sont les agressions à l’endroit des sujets féminins.

La première partie « Espace intime et réification du deuxième sexe » démontre que dans l’imaginaire collectif d’une frange considérable de la population masculine camerounaise, la femme demeure l’Autre, radicalement opposé et subordonné à soi. Dans ce sillage, Flora Amabiamina et Floribert Nomo Fouda en décryptant la fresque romanesque de Djaϊli Amadou Amal montrent comment la romancière fictionnalise la négation de la jeune fille du Sahel, prise dans l’étau d’un système patriarcal narcissique étalant son emprise jusque dans les territoires intimes. Loin de se résigner, les personnages oscillent entre résilience silencieuse et résistance violente, toute chose laissant croire en un avenir prometteur pour la Sahélienne. Le Sahel, loin d’être cet ailleurs exotique cristallisant la barbarie contre le sexe féminin, est à l’image de nos villes cosmopolites (Douala et Yaoundé) où les jeunes filles subissent, au quotidien, des brutalités physiques et morales, comme le met en saillie Mariane Dorcas Maga Mbala. Quid de nos foyers ?  Ils brûlent. C’est en tout cas ce que prouve l’essai de Marie Perisser Mbango Kolle et Élias Perrier Ngueulieu. D’après leur étude, les femmes camerounaises sont victimes de violences psychologiques au sein des foyers. Il en découle, chez d’aucunes, une fragilisation émotionnelle et, chez d’autres, l’activation de mécanismes de résistance contre un vécu mental traumatique. Dans le même esprit, Victoria Ngako Botchac laisse entendre que l’accès des femmes à un travail rémunéré peut engendrer des comportements violents chez le partenaire qui y voit une menace contre sa virilité. Cette situation conduit, souvent, à la mort de la femme, objet de l’essai de l’anthropologue Jeannette Wogaing qui explore les mécanismes culturels permettant de protéger les femmes des exactions masculines non sans avoir élucidé les motifs conduisant des hommes à ce niveau de bestialité.

La deuxième partie de l’ouvrage « Les cadres sociaux et psychologiques de la violence contre les femmes » offre un panorama fort instructif d’analyses de cas de violences spécifiques. Il en va ainsi de l’examen des bourreaux auquel se livrent Mbo Piper, Njam et Wogaing. Il appert que, sous les apparences de sujets sociables et affables, une kyrielle d’hommes sont mus par des pensées dysfonctionnelles liées, en partie, à la pression sociale. Les trois critiques en concluent qu’un accompagnement psychologique rigoureux s’impose pour endiguer le fléau des violences conjugales. On croirait l’esclavage terminé si Bekada et Ngueulieu ne s’étaient pas penchés sur les stratégies de survie mobilisées par les immigrées agricoles de Mfou face aux violences sexuelles dont elles sont victimes alors qu’elles ne cherchent qu’à gagner honorablement leur vie grâce au travail de la terre. Des plantations à la rue, il n’y a qu’un pas. Surtout quand l’impunité règne. Aussi, Édith Ndjah Etolo et Aladin Thiam démontrent qu’au Cameroun, les espaces publics tels que la rue et les marchés demeurent des lieux insécures pour les femmes qui y essuient propos dégradants et attitudes obscènes de la part de mâles, toute chose dénotant une société outrageusement sexiste. En troisième instance, l’ouvrage questionne « La domination masculine dans l’arène politique ». Cette partie s’ouvre par l’étude de Sylvie Laure Andela Bambona. Sou sa plume, le lecteur (re)découvre comment les structures du pouvoir des ères précoloniale et coloniale ont contribué à institutionnaliser l’exploitation du corps féminin. À sa suite, Catherine Ngono sonde les formes de violence dont sont victimes les femmes politiques dans l’Adamaoua en raison de la persistance des logiques sexistes. Son essai dégage les biais de résistance que celles-ci déploient. Dans la même veine, Sakinatou Daouda prouve que l’espace politique dans le Nord- Cameroun a encore une teinte virilocale. Les hommes y définissent les contours de l’implication ou non de la gent féminine en politique. Toutefois, avec un brin d’optimisme, l’analyste laisse voir que cette inclusion progressive des femmes dans la sphère politique contribue à déconstruire certains schèmes mentaux et par ricochet, à préparer un avenir prometteur.

En clôture du livre, les contributeurs portent un regard sur les « Violences basées sur le genre : l’inévitable médiatisation ». Il apparaît que les outils et les espaces modernes de communication constituent de véritables réseaux asociaux cristallisant la misogynie. Pour Flora Amabiamina, les réseaux dits « sociaux » favorisent la prolifération des discours de haine à l’encontre des femmes. En effet, une caste d’hommes, mus par l’impersonation qu’offrent ces espaces médiatiques, exprime, sous le couvert de l’humour, son mépris à l’égard du deuxième sexe. Au vrai, derrière ces discours égotistes, se dessine en filigrane une crise profonde de la masculinité zestée d’un complexe d’infériorité latent. Avec Njoh Kome, le lecteur découvre une télévision camerounaise qui se mue progressivement en espace de diffusion des discours de haine. Ces derniers sont favorisés par la prolifération d’une pseudo-idéologie anticoloniale prônant un retour aux valeurs traditionnelles africaines. Or, n’en déplaise à certains, souligne l’analyste, lesdites valeurs ne sont pas ontologiquement misogynes. De son côté, Mbarga Messomo laisse entendre que les pouvoirs publics, via des médias institutionnels, s’échinent à faire choir la prévalence des violences faites aux femmes. Toutefois, en dépit des efforts fournis, l’approche informationnelle s’avère limitée, état de choses qui motive la chercheuse à suggérer des pistes pour un meilleur épanouissement de la femme en contexte misogyne.

En parcourant ces quatre pôles épistémologiques, il ressort que les contributeurs dressent une fresque saisissante de la condition tragique de la femme camerounaise du XXIe siècle. Il s’agit d’une invitation à penser/ panser notre rapport à l’Autre. La société camerounaise est en crise et l’urgence d’un nouveau pacte social sourd des cris effroyables et du sang innocent des victimes de la pétulance masculine. Cet ouvrage est un appel collectif aux parents, aux éducateurs et aux politiques. Tous, nous portons les stigmates d’une éducation patriarcale où la femme est figurée comme l’inessentiel, la périphérie. Les discours politiques bariolés de bonnes intentions mais de peu d’actions ne suffisent plus. Les quotas imposés en associations et dans les arènes politiques pour faire « bon genre » et simuler la parité sont inopérants. En lisant Les violences faites aux femmes, un regard pluridisciplinaire en contexte camerounais, nous en arrivons à la conclusion que notre système éducatif est à refaire, que le suivi psychologique des sujets devrait intégrer nos habitudes, que les instances politiques juridiques sont tenues par la nécessité historique de doter les citoyens d’un appareil légal coercitif et actif contre tous ceux qui se rendent coupables de propos ou de faits allant à l’encontre de la dignité humaine, en général, et de la femme en particulier.

Contrairement à l’oiseau de Minerve, les travaux coordonnés par Flora Amabiamina et Édith Ndjah Etolo arrivent à point nommé. L’actualité nationale, dominée par l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, offre un aperçu de la place réelle que la femme occupe au sein des préoccupations de l’élite politique camerounaise. Il faut le déplorer, très peu de candidats mettent en vigie leur intérêt pour la cause féminine dans un pays où la majorité de la population jeune et active est du deuxième sexe. Ainsi, les différentes contributions de cet ouvrage sont bien plus que des essais intellectuels. Ils sont le témoignage de l’engagement de femmes et d’hommes à construire une nation plus juste en faveur de la femme. Comme le souligne Djaϊli Amadou Amal, préfacière du livre, l’ouvrage nous invite à « un sursaut national digne de nos aspirations communes à une société camerounaise émancipée, juste et épanouie ».

Nous en sommes convaincu, le Cameroun de demain, qui se prépare aujourd’hui grâce aux erreurs d’hier, se fera avec les femmes, par les femmes ou ne se fera pas.

Albin Nelson G. Houack, Ph.D (Université de Bertoua)

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here